[Présidentielle #6] Les candidats n'accordent pas tous la même importance aux propositions concernant le travail

[Présidentielle #6] Les candidats n'accordent pas tous la même importance aux propositions concernant le travail

07.04.2017

HSE

Le nombre et la précision des propositions touchant à la santé au travail sont très hétérogènes. De la reconnaissance du burn-out à l'aide aux aidants, nous avons fouillé les programmes, tout aussi parlants dans ce qu'ils proposent que dans ce qu'ils n'évoquent pas.

Au-delà de la question du temps de travail (voir notre article) et de la prise en compte de la pénibilité (voir notre article), les 11 candidats à la présidentielle ont peu de sujets – en matière de travail et plus précisément qui impactent directement la santé au travail, au sens large – sur lesquels ils se répondent. Ils ont en revanche des propositions, plus ou moins nombreuses et étoffées, ce qui dépend souvent, peut-on remarquer, de leur couleur politique, et surtout de la façon dont ils hiérarchisent leurs priorités dans ce qu'ils présentent comme leur projet présidentiel. Certaines propositions se rejoignent. Ainsi Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon veulent-ils tous les deux "reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle", ce que défend aussi François Asselineau. La plupart ont aussi un mot dans leurs projets pour les "aidants" – souvent sans davantage de précisions – afin de ne pas passer à côté de ce sujet qui grimpe.

Candidat par candidat, en reprenant l'ordre de la liste officielle établie par le Conseil constitutionnel, et sans revenir sur la pénibilité et le temps de travail, nous avons relevé les propositions et positions.

Nicolas Dupont-Aignan

Candidat à la présidentielle pour la 3e fois, cet ancien membre du RPR, du RPF et de l'UMP, a quitté le parti en 2007 sur fond de désaccord avec Nicolas Sarkozy, et a alors fondé parti politique souverainiste Debout la République, devenu Debout la France en 2014.

  • Nicolas Dupont-Aignan se montre dans son projet particulièrement sensible aux conditions de travail des professionnels de santé, proposant notamment de "renforcer les moyens de sécurité mis à disposition des hôpitaux et des maisons de santé, ce qui permettra de réduire l'absentéisme lié à des situations de stress dues aux agressions physiques ou verbales". Mais les autres secteurs ne sont pas évoqués.
  • Pour les travailleurs handicapés, il voudrait mettre en place "un suivi régulier (au moins une fois par an)", afin de "s'assurer du respect de leur RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) et des bonnes conditions de travail afin de prévenir les infractions au droit du travail". Il propose aussi de favoriser le covoiturage dans les entreprises entre les salariés valides et les personnes en situation de handicap.
  • Sa "politique de soutien aux aidants en entreprise" passerait par les négociations annuelles obligatoires, qui devraient intégrer un "volet 'aidants en emploi'".
  • Il appelle au "respect des conditions de travail en environnement numérique", un outil qui "peut stresser les salariés en leur donnant l’impression qu’ils sont constamment surveillés". Une réforme du code du travail pour "accompagner la transition numérique" est promise, sans plus de précision.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Marine Le Pen

La candidate du Front national, soutient un programme qui traite peu du travail, en dépit d'une position précise sur la prise en charge de la pénibilité (voir notre article).

  • Elle évoque les aidants, voulant "développer les 'structures et services relais'" pour leur permettre de "bénéficier effectivement de leur droit au répit".
  • Dans les entreprises comptant entre 50 et 300 salariés, les IRP (instances représentatives du personnel) seraient fusionnées. Et les "obligations administratives liées au seuil social de 50 salariés" seraient réduites. Mais ce n'est pas plus précis.  
  • Face à l'ubérisation, elle propose de créer "un secrétariat d’État dédié aux mutations économiques rattaché au ministère des Finances afin d’anticiper les évolutions des formes de travail liées aux nouvelles technologies (ubérisation, robotisation, économie du partage…)".
  • L'apprentissage serait autorisé dès 14 ans.
Emmanuel Macron

"Nous savons bien que, dans la vie, on n’a rien sans rien et que tout progrès, personnel ou collectif, dépend de cet effort qu’on appelle le travail", harangue le candidat d'En marche, ajoutant dans son programme que "le travail, lorsqu’il est pratiqué dans de bonnes conditions et correctement payé, est le moteur de la progression sociale". Il indique vouloir miser beaucoup sur la formation, promettant notamment un "plan d'investissements sur cinq ans dédié à la qualification, à la transition écologique et au numérique", alors que pour l'heure, "l’agilité du système n’est pas assurée", selon lui.

  • Avec lui, les IRP seraient systématiquement fusionnées dans une "instance unique de représentation reprenant l’ensemble des attributions des comités d’entreprise, délégués du personnel et CHSC", et ce quelle que soit la taille de l'entreprise, "sauf accord d’entreprise visant à maintenir les instances existantes ou à en créer de nouvelles".
  • De la formation pour les aidants aussi, en plus du don de RTT entre collègues et de la création d'hébergements temporaires pour "aider les aidants" et  encourager le "baluchonnage".
Benoît Hamon

Choisi lors de la primaire pour être le candidat du PS, Benoît Hamon l'a été en mettant en avant une réflexion particulièrement poussée sur le travail et la place du travail (voir notre article). Il conserve cette teinte dans son programme, au-delà de la création du "revenu universel d'existence", qui doit notamment permettre une meilleure articulation vie privée – vie professionnelle.

  • Avec la reconnaissance simplifiée du burn-out comme maladie professionnelle – ce qui passerait par un taux d'incapacité abaissé à 10 % et des CRRMP aux moyens "dopés", avec plus de personnels, notamment de médecins et psychologues, pour augmenter le nombre de dossiers éligibles (voir notre article) – Benoît Hamon affirme vouloir "faire en sorte que celui qui travaille ne soit pas meurtri ou abimé par le travail". Cela permettra, grâce au système actuel, que les entreprises avec une sinistralité forte paient davantage de cotisations à la branche AT/MP. "J'inviterai les entreprises à engager des actions de prévention", promet-il. La "reconnaissance du burn-out" concernerait aussi la Fonction publique, et le candidat tient à souligner dans son programme que "le burn-out existe aussi pour les soldats" : il veut "parer aux situations de mal-être dans l’armée" en "port[ant] une attention sans faille à la situation sociale des militaires français".
  • En cas de "pratiques managériales sources de souffrance avérée au travail", le candidat veut "rendre les dirigeants responsables".
  • Un "statut de l'actif" doit permettre – face à ce que Benoît Hamon voit comme une "ubérisation débridée" – de donner "un  socle de protections et de droits fondamentaux" aux "travailleurs qui ne bénéficient pas aujourd’hui de la protection du code du travail et du régime général de la sécurité sociale".
  • Puisque smartphones et ordinateurs sont devenus, selon le socialiste, des "laisses électroniques", le droit à la déconnexion serait renforcé. Il promet de le rendre "effectif".
  • Renforcer le statut d’aidant notamment en direction des conjoints de malades d’Alzheimer, fait partie du programme.
  • "Aménagement des postes de travail" et développement du télétravail sont promis pour "facilit[er] la vie des salariés en situation de handicap dans l'entreprise".
  • L'inspection du travail serait renforcée, sans que l'on ait davantage de précision.
  • Il veut soutenir le développement du sport-santé en entreprise", en lien avec les partenaires sociaux.
  • Enfin, Benoît Hamon mentionne spécifiquement les "conditions de travail des enseignants et des personnels administratifs", qu'il promet de revaloriser, ainsi que celles dans les hôpitaux, pour qui il prévoit "un plan d'amélioration des conditions de travail".
Nathalie Arthaud

Alors qu'elle est depuis 2008 porte-parole nationale de Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud vit sa 2e campagne présidentielle et veut incarner "une candidature de classe", avec un objectif : "faire entendre le camp des travailleurs". Son programme s'appuie avant tout sur un modèle communiste de partage du travail et de "contrôle des travailleurs sur les entreprises". On n'y trouve pas davantage de propositions écrites comme telles.

Philippe Poutou

Proche de celui de Nathalie Arthaud, le programme du candidat du NPA (Nouveau parti anticapitaliste) explique que c'est avant tout "dans la rue que cela se passe" et que "pour imposer un coup d'arrêt à l'offensive anti-sociale que nous subissons depuis trop longtemps et pour changer de société, la solution n'est pas le bulletin de vote". Son programme "anti-capitaliste" ne comporte donc pas de mesures concrètes touchant à la santé au travail autre que la question du temps de travail (32 heures sans perte de salaire, et 30 heures pour les travaux pénibles – voir notre article). "Beaucoup de salariés perdent leur vie à la gagner", dénonce le syndicaliste CGT, qui lutte contre la fermeture de l'usine Ford dans laquelle il est mécanicien, à Blanquefort (Gironde). "Le travail continue de dégrader la santé, de blesser, de rendre malade, voire de tuer", poursuit-il citant notamment le travail du dimanche et de nuit, la baisse des effectifs et l'augmentation des cadences.

Jacques Cheminade

Le candidat "anti-système" à la tête du parti Solidarité et progrès qu'il a fondé en 1996, donne comme "date clé" de son "combat" sa rencontre avec Lyndon LaRouche, un homme politique américain classé à l'extrême droite, complotiste, homophobe et climatosceptique. Nous avons vu que le doyen de cette élection présidentielle a une idée bien précise de comment doit être prise en compte la pénibilité (voir notre article). Il n'y a pas grand-chose de plus dans le projet en lui-même en matière de santé au travail. Jacques Cheminade explique cependant que "si l’on veut allonger la vie au travail compte-tenu de l’accroissement de l’espérance de vie, il faudra fondamentalement améliorer les conditions de travail, ce qui suppose un changement des priorités économiques et sociales de toute la société, comme mon projet le préconise".

Jean Lassalle

Ex-compagnon de route de François Bayrou au Modem, l'élu béarnais vit sa première campagne présidentielle, sous la bannière du mouvement Résistons, "défenseur des territoires ruraux et d'une écologique humaniste". En 2006, il s'est fait connaître pour sa grève de la faim de 39 jours, pour protester contre la délocalisation de l’usine Toyal d’Accous (Pyrénées-Atlantiques) vers le bassin de Lacq, situé 65 kilomètres plus loin. Son programme ne comporte pas de propositions en lien avec la santé au travail, si ce n'est la volonté de faire débuter "l'alternance bien avant 16 ans" pour "rendre ou entretenir le goût d'apprendre" aux adolescents.

Jean-Luc Mélenchon

Avec Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon est le candidat qui fournit le plus de propositions autour du travail, en commençant par la promesse d'abroger la loi El Khomri et d'ainsi "rétablir la hiérarchie des normes".

  • Le candidat de La France insoumise veut "déclarer la souffrance au travail grande cause nationale pour mobiliser les moyens financiers et de communication", tout en "subventionn[ant] les réseaux professionnels et de santé agissant sur ce thème, ainsi que les artistes mettant en lumière la souffrance au travail". En plus de la reconnaissance du burn-out – il n'apporte cependant pas de précision sur la voie qui serait empruntée dans son programme –, Jean-Luc Mélenchon promet de "lutter contre l'idéologie managériale et ses effets psychologiques et sanitaires et imposer l'enseignement des sciences sociales et des risques psychosociaux dans les cursus de gestion/commerce/ressources humaines".
  • La médecine du travail serait "renforcée" en l'intégrant au "service public de santé" – ce qui reviendrait à la faire financer par le contribuable, alors que les services de santé au travail sont aujourd'hui payés par les entreprises. Les visites médicales à l'embauche, puis périodiques, redeviendraient systématiques, et le candidat promet d'"ouvrir l'accès de la médecine du travail aux chômeurs" et d'"instaurer une visite obligatoire pour les chômeurs au-delà de six mois".
  • Dans les attributions de marchés publics, le nombre d'accidents du travail deviendrait un critère de sélection.
  • Jean-Luc Mélenchon veut "renforcer les pouvoirs de l'inspection du travail et la protection de sa liberté d’action contre toute forme de manquements au code du travail". Cela passerait par plusieurs mesures : doublement des effectifs (2 500 à 5 000), création d'un "parquet  spécialisé  en  droit  du  travail,  afin  d’améliorer  les  suites pénales en matière de droit du travail", suppression des évaluations chiffrées pour les inspecteurs du travail.

François Asselineau

Le candidat de l'UPR, préconisant le "Frexit" et dont le programme se veut inspiré du Conseil national de la Résistance, a dans son programme plusieurs propositions touchant au travail, à commencer par la – peu étayée – volonté de "rendre la réglementation du travail intelligible, aussi bien pour l'employeur que pour le salarié".

  • Surtout, il veut "réaffirmer le repos dominical comme standard de la société", estimant que "le travail le dimanche doit être réservé aux services publics (hôpitaux, police, etc..), à la culture (bibliothèque, musée, cinéma, etc.) ou, le matin, à de petits commerces de proximité (boulangerie, épicerie, etc.)" et qu'il faut donc revoir "toutes les dérogations actuelles".
  • Il veut donc faire "reconnaître les risques psychosociaux (syndrome d’épuisement professionnel) en tant que maladie professionnelle", sans plus de précisions, ainsi que "confirmer et sanctuariser le droit à la déconnexion".
  • Face à l'ubérisation, en plus d'abroger les lois Macron et El Khomri, François Asselineau estime qu'il faut "fixer en urgence les nouveaux critères de reconnaissance du travail salarié", mentionnant les conditions de travail dans ces critères.

François Fillon

Dans son programme "de rupture" d'inspiration très libérale, François Fillon affirme d'abord qu'il veut "aller plus loin que la loi El Khomri en limitant le code du travail à la définition des normes fondamentales".

  • Concrètement, en matière de travail, il brigue l'investiture suprême en promettant de notamment de "supprimer un jour férié", plutôt sur ceux de mai qui représenteraient selon lui "un manque à gagner d'environ 2 milliards d’euros pour l’économie française".
  • Dans la fonction publique, une "négociation associant tous les partenaires sociaux" serait ouverte "rapidement" et porterait notamment sur "la qualité de vie au travail au sein des différentes administrations". Une QVT qu'il promet de "développer". En parallèle, François Fillon instituerait 2 jours de carence lors des arrêts maladie pour les agents, et les ferait progressivement travailler 39 heures.
  • Les aidants familiaux auraient "un statut légal et fiscal" et le candidat promet de "favoriser la mobilisation du compte épargne-temps" et "permettre les dons de jours entre salariés".
  • Pour les IRP, l'instance unique, regroupant CE, CHSCT et DP sera la règle dans toutes les entreprises, sauf si des instances distinctes sont prévues par accord collectif. "Ses prérogatives et ses moyens seront croissants en fonction de l’effectif de l’entreprise", est-il précisé dans le programme. En outre, les seuils sociaux seraient relevés de 10 à 50 salariés et de 50 à 100 salariés, et les représentants du personnel ne pourraient pas consacrer plus de 50% de leur temps de travail à l'exercice de leurs mandats.
Élodie Touret
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